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    (re) Faire équitable (Build Back Fairer)

    25 septembre 2020

     

    À l’occasion des 5 ans de l’adoption des 17 objectifs de développement durable (ODD) par l’ONU pour l’Agenda 2030, Commerce Équitable France soutient l’appel d’une coalition d’organisations de la société civile pour une transformation et une relance juste, équitable et durable de l’économie et des échanges commerciaux.

     

     

    Introduction

    La pandémie de Covid-19 et les mesures de distanciation physique et de confinement qui l’ont accompagnée font payer un lourd tribut aux plus vulnérables de nos sociétés, notamment aux petits producteurs et aux travailleurs. Ses effets sur les droits humains, notamment en matière de droit à l’alimentation, ont été dévastateurs. La pauvreté et la faim ont également entraîné une augmentation des risques de travail forcé, de travail des enfants et de déforestation.

     

    La crise actuelle nous a montré, non seulement, à quel point nous étions interdépendants, mais aussi, à quel point la destruction de la nature, la déforestation ainsi que les crises climatique et sanitaire étaient toutes reliées entre elles et avaient pour matrice commune l’exploitation des personnes et des ressources.

     

    Malgré cela, certaines entreprises ont choisi de privilégier des mesures court-termistes afin de protéger leurs intérêts au détriment des droits des personnes impliquées dans leurs chaînes d’approvisionnement. Certaines d’entre elles ont annulé leurs commandes et ont continué à verser des dividendes importants à leurs actionnaires, tout en réclamant des plans de sauvetage aux pouvoirs publics.

     

    S’il y a une prise de conscience croissante de la nécessité de disposer de chaînes d’approvisionnement mondiales plus résilientes, celle-ci est souvent comprise du point de vue des services achats des entreprises qui souhaitent avant tout sécuriser leurs approvisionnements. C’est pourquoi, il est essentiel que les gouvernements mettent en place des mesures de soutien afin de garantir la résilience des petits producteurs et des travailleurs face aux crises futures. Néanmoins, il ne faut pas s’en tenir là. Dans les années à venir, les dérèglements climatiques ne feront que creuser davantage les inégalités déjà existantes, aggravant ainsi la vulnérabilité de millions de petits producteurs et travailleurs dans le monde.

     

    Le retour au ¨business as usual¨ après la pandémie ne ferait que renforcer les inégalités et la non-durabilité de notre système actuel. Aussi, il est nécessaire d’encourager la transformation du système économique et de la gouvernance des chaînes d’approvisionnement mondiales, dans l’intérêt des petits producteurs et des agriculteurs mais aussi dans celui des générations actuelles et futures.

     

    Les transformations dont nous avons besoin :

    • D’une économie basée sur la concurrence … à une économie basée sur la coopération.
    • Des politiques commerciales qui sapent les objectifs de durabilité … à des politiques de commerce équitables qui favorisent un commerce équitable et durable plutôt qu’un commerce basé sur des produits bons marchés et de mauvaise qualité.
    • Du libre-échange et du néolibéralisme … à la mise en place de politiques commerciales équitables au niveau local et international.
    • D’un marché libre… à un programme de durabilité avec un mélange d’initiatives légales et ascendantes pour transformer les chaînes d’approvisionnement, qui permettent à tous les consommateurs de faire des choix de consommation durables et abordables.
    • Des inégalités croissantes…. à la réduction des inégalités entre le Sud et le Nord, entre les riches et les pauvres, entre les femmes et les hommes, entre les petits producteurs et les grandes entreprises.
    • De la surexploitation des ressources naturelles… à un modèle économique et agricole respectueux de l’environnement qui favorise la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la justice climatique.
    • Des marchés inondés par la nourriture bon marché et la fast-fashion…. à une part de marché toujours croissante aux produits issus des chaînes d’approvisionnement du commerce équitable et biologique, avec autant de circularité que possible.
    • Des solutions court-termistes de fermeture des frontières fondées sur la peur… à une interdépendance entre les pays fondée sur des conditions de commerce équitables.
    • De l’emprise des entreprises et des intérêts individuels qui influencent les politiques…. à des politiques publiques co-construites qui façonnent le marché dans l’intérêt des femmes et des hommes de la planète.
    • Des déséquilibres de pouvoir dans les chaînes d’approvisionnement… à la justice économique dans les chaînes d’approvisionnement, sans abus et violations des droits humains de la part des entreprises et où les petits producteurs et les travailleurs ont une voix forte.
    • Des approches de type « conformité » en matière de durabilité et de droits humains… à une transformation des pratiques commerciales et d’achat qui rendent possible un revenu vital pour les petits producteurs et un salaire décent pour les travailleurs.
    • Des entreprises à but lucratif… aux entreprises à mission.
    • D’une culture du « secret des affaires »… à une culture de la transparence, y compris dans la chaîne d’approvisionnement, afin de savoir comment la valeur est partagée.
    • D’une culture consumériste… à un mode de vie durable et à un « New Deal » pour la nature et la planète.

     

    Nos recommandations aux gouvernements

    Compte tenu de ce qui précède, nos recommandations s’articulent autour de quatre axes, allant de mesures d’urgence et de court-terme à des mesures plus proactives de long-terme :

     

    PROTÉGER

    • Veiller à ce que les travailleurs et les agriculteurs disposent d’équipements de protection individuelle.
    • Lorsque la continuité de l’activité n’est pas possible, veiller à ce que les agriculteurs et les travailleurs bénéficient de programmes de maintien des revenus.
    • Geler les augmentations d’impôts pour les entreprises qui commercialisent des produits de première nécessité, garantir des prix abordables pour les produits de première nécessité et ceux nécessaires à la production agricole, tant que des mesures de confinement et de distanciation physique sont en place.

     

    RÉINITIALISER

    • Conditionner les aides publiques aux entreprises au respect des Principes directeurs des Nations Unies sur les entreprises et les droits humains et des Lignes directrices de l’OCDE sur la conduite responsable des entreprises, à la mise en place de politiques d’achat responsable, d’égalité femme-homme, de lutte contre le réchauffement climatique et à la prise d’engagements en matière de conduite fiscale responsable (limiter les dividendes versés aux actionnaires, prise de décision participative, gouvernance inclusive).
    • Veiller à ce que les petites et moyennes entreprises aient accès à un financement abordable, avec des conditions préférentielles pour le commerce équitable et les entreprises sociales, les coopératives et les autres acteurs de l’économie sociale et solidaire.
    • Mettre en place des politiques publiques de soutien au commerce équitable, aux entreprises sociales, aux coopératives et aux autres acteurs de l’économie sociale et solidaire, à l’agriculture biologique et aux pratiques agroécologiques, qui aideront ces alternatives à devenir progressivement la norme. Ces politiques doivent inclure un soutien aux organisations de producteurs pour favoriser leur accès à de nouveaux marchés, tel qu’un accès préférentiel à un financement abordable ainsi qu’une sensibilisation des citoyens, en particulier des jeunes.

     

    RESTRUCTURER

    • Adopter une législation visant à garantir que toutes les entreprises et leurs fournisseurs respectent les droits humains, du travail et de l’environnement, notamment en améliorant les pratiques d’achat et de commerce.
    • Encourager la transformation progressive des entreprises et le passage d’un modèle commercial orienté vers le profit à un modèle davantage centré sur la mission, qui fait passer le respect des personnes et des ressources naturelles avant le profit.
    • Adopter des objectifs nationaux et, le cas échéant, régionaux ambitieux pour atteindre les Objectifs de développement durable des Nations unies et réduire rapidement les émissions de CO2 afin de limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5°C, conformément à l’Accord de Paris.

     

    REDISTRIBUER

    • Réformer les systèmes fiscaux afin de favoriser les produits issus du commerce équitable et de l’agriculture biologique, les entreprises sociales, les coopératives et les autres acteurs de l’économie sociale et solidaire plutôt que les chaînes d’approvisionnement fondées sur l’exploitation des personnes et des ressources.
    • Faire des marchés publics responsables la norme et donner la priorité au commerce équitable, aux entreprises du bio, aux coopératives et aux autres acteurs de l’économie sociale et solidaire dans l’attribution des marchés publics.

     

     

    Organisations signataires :

     

    Liens : 

    L’appel en différentes langues à retrouver sur le site du Fair Trade Advocacy Office