Ensemble, créons des lendemains qui changent
Larmor-Baden, le 5 janvier 2021
Il est particulièrement difficile en ce début d’année 2021 d’échanger des vœux sans faire référence d’une façon ou d’une autre à l’année écoulée. Celle-ci, « annus horribilis », aura en effet été marquée par une pandémie au nom barbare, dont les conséquences en termes de mortalité et de santé publique mais aussi en termes de pauvreté et de mal-être social n’ont pas fini de peser sur nous individuellement et collectivement.
Pour la première fois sans doute dans l’histoire de l’humanité, la totalité des peuples et des gouvernements se sont organisés – de façon plus ou moins heureuse – pour faire face sur la même période à une même menace que l’interdépendance de nos économies et la densité de nos échanges ont répandue comme une trainée de poudre sur l’ensemble de la planète. Ces facteurs aggravants préoccupent depuis toujours notre collectif, qui s’interroge sur le rôle des échanges commerciaux et la manière dont ils sont organisés.
Si l’on devait retenir à ce stade quelques enseignements, je retiendrais qu’il est illusoire et dangereux de considérer l’économie comme autonome vis-à-vis du monde vivant, que les piliers du développement durable (économique, social, environnemental, culturel) doivent être pris en compte simultanément, de façon non hiérarchisée. Avec peut-être une attention sur l’articulation social/environnemental[1] pour éviter que les problématiques économiques ne prennent le pas et n’occultent le reste.
Face à des défis historiques immenses, l’humanité n’est pas sans ressources et dispose potentiellement de moyens considérables qu’elle doit se donner les moyens de développer. Cela dans un esprit de coopération internationale en mobilisant la communauté scientifique mais aussi et surtout les énergies disponibles au sein des sociétés civiles et des entreprises.
La démarche du commerce équitable constitue à certains égards une bonne illustration de ce que certains ont appelé le monde d’après et qu’ils nous ont invité à rêver et à construire. Partant d’une analyse des inégalités sociales à l’échelle internationale et de l’importance croissante du commerce international, elle cherche dès l’origine à inverser le cours des choses et à faire du commerce – dans une version équitable – un facteur de réduction des inégalités sociales et économiques et un outil d’émancipation (« empowerment » via l’organisation collective).
Elle a su également depuis plusieurs années intégrer la problématique environnementale en cherchant à favoriser une transition, non seulement sociale, mais aussi écologique des modes de production agricole (en encourageant l’agroécologie et en accélérant la convergence avec l’agriculture biologique).
L’année 2020 aura bien sûr été pour les acteurs du commerce équitable en France une année particulièrement éprouvante. Certains ont été d’ailleurs fortement affectés par la baisse voire l’arrêt de leurs activités normales. Notons cependant que les partenariats de commerce équitable semblent avoir favorisé la résilience des producteur·rice·s, qu’il s’agisse des filières françaises ou des filières internationales. L’ensemble du secteur a pu résister dans un contexte plus large d’évolution culturelle de notre société : d’une part l’attention du consommateur se porte de façon croissante vers des produits de qualité, tant sur le plan social qu’environnemental et à l’origine garantie ; d’autre part la question de la juste rémunération des producteur·rice·s est (re)devenue un sujet au cœur du débat public.
« Vingt fois sur le métier, remettez votre ouvrage, polissez-le sans cesse et le repolissez» disait Boileau en son temps. Nul doute que l’année 2021 nous verra polir et repolir notre ouvrage pour que, dans une dynamique de progrès, le commerce équitable s’affirme progressivement comme le standard même de nos échanges commerciaux au plus grand bénéfice de tous et notamment des producteur·rice·s à la base. C’est le souhait que je formule pour 2021 et, en ce qui le concerne, le collectif Commerce Equitable France s’y emploiera, dans le respect de l’identité de tous ses membres et fort de leur diversité.
José TISSIER
Président de Commerce Équitable France
[1] Lire « Et si la santé guidait le monde » de Eloi Laurent aux éditions Les Liens qui Libérent