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    Le commerce équitable, un levier puissant pour rendre la filière cacao plus durable

    25 mai 2016 – À l’occasion de la conférence annuelle de la Quinzaine du Commerce Équitable, la Plate-Forme pour le Commerce Équitable et ses membres ont publié les résultats d’une étude commanditée au BASIC (Bureau d’Analyse Sociétale pour une Information Citoyenne) sur le chiffrage des coûts cachés de la filière cacao en Côte d’Ivoire et au Pérou.

     

    Les résultats sont sans appel : la facture des impacts sociaux et environnementaux pèse très lourd sur les pays producteurs et le modèle économique de la filière cacao se révèle non-soutenable dans les deux pays. La démarche du commerce équitable est à ce jour, le levier le plus efficace pour réduire les coûts cachés avec une réduction des coûts sociétaux pouvant aller jusqu’à 80%, même si elle ne suffit pas, à elle seule, à contrebalancer les lourds déséquilibres structurels de la filière.

     

    À la lumière de cette étude, les acteurs du commerce équitable ont identifié plusieurs leviers d’action et des recommandations pour contribuer à rendre la filière cacao plus durable aujourd’hui et demain.

     

     

    Filière cacao : un modèle économique fortement concentré

    Transformateurs et fabricants mènent le jeu, au détriment des producteurs

     

    D’un côté, 5 millions de petits producteurs, travaillant le plus souvent selon le modèle de l’agriculture familiale, de l’autre, 5 transformateurs de fèves qui détiennent 81% du marché et 6 grands industriels qui détiennent la moitié du marché mondial de la confiserie chocolatée. Dans un modèle aussi concentré, les producteurs, faiblement organisés, ont du mal à faire valoir leurs intérêts face à leurs puissants interlocuteurs.

     

    Si l’on ajoute à l’équation les distributeurs dans les pays consommateurs, on constate que près des 2/3 de la valeur finale des produits chocolatés est captée en aval de la filière, c’est-à-dire par les marques et les distributeurs. Les producteurs ne perçoivent dans le secteur conventionnel qu’une très faible part de la valeur d’une tablette de chocolat : 7% quand le cacao est originaire de Côte d’Ivoire et à peine 13 % quand le cacao est originaire du Pérou.

     

     

    Les dessous de la filière conventionnelle : le goût amer des coûts cachés

    Côte d’Ivoire : des coûts cachés astronomiques (économiques, sociaux et environnementaux)

     

    Déforestation massive, pauvreté et insécurité alimentaire des producteurs, manque d’infrastructures, travail forcé et dangereux des enfants, usage massif d’engrais et pesticides : les coûts cachés de la filière cacao en Côte d’Ivoire sont estimés à plus de 2,85 milliards d’euros. Sachant que le pays exporte pour 3,7 milliards d’euros de cacao, la filière génère 77 centimes de coûts cachés, supportés par la société, pour chaque euro de valeur créée.

    Comment en est-on arrivé là ? Dans une économie ivoirienne où le cacao représente 1/3 des exportations (1/3 de la production mondiale de fèves) soit 22% du PIB, près de 8 millions d’ivoiriens dépendraient quasiment exclusivement des exploitations de cacao. Malgré une régulation étatique visant à revaloriser le prix payé aux producteurs, celui-ci reste trop faible pour leur permettre de sortir de la pauvreté. Les producteurs cherchent alors des moyens d’augmenter leur capacité de production, en augmentant l’usage des intrants chimiques ou en étendant leur parcelle en prenant sur la forêt.

    On compte aussi près de 109 000 enfants (soit 70 % des enfants qui travaillent sur des fermes familiales) soumis à des conditions de travail dangereuses, et relevant d’une des pires formes de travail des enfants. Par ailleurs, l’État mène une politique fiscale généreuse, pour favoriser le maintien des multinationales du cacao en Côte-d’Ivoire. La faible imposition des entreprises du secteur ne permet pas de financer les services essentiels dans les zones cacaoyères à la hauteur des besoins. Pour la seule année 2014, le BASIC estime que 550 millions d’euros ont manqué pour financer correctement les dépenses publiques affectées à l’éducation, à la santé, au logement, aux transports, à l’état de droit et au soutien à l’agriculture.

     

    Pérou : des coûts cachés sociaux et économiques importants

    Au Pérou, les coûts cachés de la filière sont essentiellement liés à la sous-rémunération des producteurs et au manque d’infrastructures essentielles. Ils sont estimés à 62 millions d’euros. Ramenés aux 166 millions d’euros de revenus générés par l’exportation du cacao, les coûts cachés représentent 38 centimes d’euros pour 1 euro de valeur générée.

     

    Si ces coûts cachés sont plus faibles au Pérou qu’en Côte-d’Ivoire, c’est essentiellement pour des raisons de contexte. Le cacao pèse très peu dans l’économie péruvienne (6,1% du PIB et environ 0,6% des exportations totales du pays selon l’INEI). Le pays a, de ce fait, été moins investi par les grands transformateurs de fèves et fabricants internationaux de chocolat. De plus, les producteurs, bien que tirant plus de 60% de leur revenu du cacao, diversifient plus leurs cultures avec des cultures vivrières. Enfin, l’agroforesterie est plus largement répandue : cela permet de garantir, sur la durée, des rendements favorables tout en respectant l’environnement. Pour autant, une filière qui génère 38% de coûts cachés ne peut être considérée comme durable.

     

     

     

    Et le commerce équitable dans tout ça ?

    L’étude démontre que le commerce équitable parvient à réduire les coûts sociétaux de la filière cacao au Pérou et en Côte d’Ivoire

     

    La réduction des coûts cachés de la filière cacao est fortement liée au contexte du pays producteur. En Côte d’Ivoire, on observe une réduction des coûts sociétaux de l’ordre de 18% lorsque la filière est équitable, en grande partie grâce à l’augmentation moyenne du revenu des producteurs. Au Pérou, ces coûts sociétaux sont même réduits de 80% dans la filière cacao équitable : non seulement le revenu versé aux producteurs leur permet de sortir de la grande pauvreté, mais les primes collectives sont aussi régulièrement investies dans des services essentiels. Par ailleurs, le commerce équitable a fortement contribué au renforcement des coopératives de producteurs qui, aujourd’hui, savent mieux défendre les intérêts de leurs membres, tant au niveau commercial que politique.

     

    Du point de vue du consommateur, en comparant les coûts cachés du chocolat issu des filières conventionnelles, labellisées durables (UTZ, Rainforest Alliance) et labellisées équitables (Max Havelaar, Ecocert équitable…), on constate non seulement que la démarche équitable est la plus vertueuse, mais aussi que nos choix de consommation peuvent avoir un réel impact sur la durabilité des filières.

     

    Choisir une tablette de chocolat équitable permet en effet de réduire jusqu’à 80% le coût sociétal généré par la production du cacao.

     

    Des propositions à l’usage des décideurs politiques et économiques pour rendre la filière cacao durable

    Fort de ces enseignements, le mouvement du commerce équitable invite les décideurs politiques, économiques et les acteurs de la filière à adopter des solutions collectives concertées pour préserver la durabilité de la filière cacao. Bien que positive dans les deux cas analysés dans ce rapport, la démarche du commerce équitable change véritablement la donne lorsqu’elle est associée à certaines conditions.

     

    La réduction des coûts sociétaux passe ainsi par :

    • la garantie que les revenus aux producteurs couvrent leurs coûts de production et les besoins essentiels de leurs familles
    • le renforcement des organisations collectives de producteurs
    • des investissements conséquents dans les services sociaux essentiels et les infrastructures locales

     

    Les exemples de réussite les plus significatifs s’appuient sur des pratiques culturales différentes, en particulier l’agroforesterie. Ces conditions génèrent cependant des surcoûts à la production significatifs, de l’ordre de + 40% à + 90% et donc peu compatibles avec un modèle de production de masse et standardisé. La durabilité économique, sociale et écologique de la filière cacao repose donc sur une meilleure valorisation de l’origine du cacao et du travail des producteurs dans les produits finis chocolatés.

     

    La soutenabilité de la filière cacao passera donc par des actions concertées des acteurs économiques de la filière, des décideurs politiques des pays producteurs et consommateurs, et en particulier dans l’Union européenne, afin d’étendre les impacts les plus positifs du commerce équitable à l’ensemble de la filière.

     

    Commanditée par la Plate-Forme pour le Commerce Equitable et ses membres, et réalisée par le bureau d’études le BASIC, cette étude a été documentée en compilant les résultats de plus de 475 sources (études d’impacts, bases de données, entretiens avec les acteurs de la filière…)

     

    Voir l’infographie en pdf

     

    Lire l’étude : La face cachée du chocolat

     

    Lire la synthèse de l’étude

    Lire la synthèse de l’étude en anglais

    Lire le rapport complet de l’étude

     

     

    Lire le communiqué de presse

     

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    Une étude réalisée par Le Basic pour Commerce Équitable France, le collectif Repenser les filières et Max Havelaar France.