04 novembre 2020

À l’occasion des 4e Rencontres Nationales des Territoires de Commerce Équitable, nous donnons la parole à Christine Esteves, adjointe au Maire de la Ville de Saverne (Grand Est), une ville engagée depuis 2011 en faveur du commerce équitable et de la consommation responsable. Portrait en 3 questions : 

En quoi le commerce équitable est-il un levier pertinent au service des territoires pour accélérer cette transformation ? 

Le commerce équitable est un levier intéressant car il permet d’accélérer cette transformation agricole et alimentaire aussi bien au Sud qu’au Nord, et de la mener plus loin. En faisant référence au commerce équitable, nous pensons surtout à des valeurs qui placent l’Homme au cœur des échanges commerciaux, de la consommation et de l’alimentation. Et, en recentrant l’homme on replace, de facto, la nature et l’environnement au cœur des préoccupations et des attentions.

Grâce à l’esprit qui anime la philosophie du commerce équitable, ces valeurs sont appliquées à un modèle permettant de soutenir nos agriculteurs et de développer une agriculture locale engagée et raisonnée. Ces pratiques agricoles existent déjà dans les pays du Nord, nous les encourageons et souhaitons apporter notre humble contribution à un rééquilibrage des rapports de force. 

L’agriculture locale engagée répond à des enjeux primordiaux tels que la protection de la biodiversité ou du paysage par exemple, il faut donc la valoriser !

Comment votre engagement pour le commerce équitable prend vie dans la ville de Saverne ? Comment la collectivité s’organise-t-elle en interne pour mener ces actions ?

Nous sommes assez actifs et notre ville a une implication forte en direction du commerce équitable. Nos nombreuses actions ont permis à la ville de se positionner et de maintenir le cap sur son engagement pris il y a 11 ans lors de la première labélisation en tant que Territoires de Commerce Equitable. La mairie et les services s’engagent de plus en plus et nous travaillons notamment beaucoup avec Artisans du Monde Saverne. Le Salon de la Consommation Responsable qu’on organise annuellement, dont on devait cette année fêter la 11ème   éditions, est d’ailleurs né de la collaboration entre Artisans du Monde Saverne, la Ville de Saverne et l’ONG Enfants du Mékong.

Nous sommes également très attachés à la Quinzaine du Commerce Équitable. Bien que cet évènement ait cette année eu lieu de manière virtuelle, compte tenu de la crise sanitaire, nous avons tout de même souhaité maintenir ce temps fort de notre engagement et donner un signal clair à nos partenaires et à nos concitoyens.

Avec Artisans du Monde Saverne nous avons donc élaboré une Quinzaine « Savernoise » du Commerce Équitable déclinée de manière physique sur le terrain dans le respect, bien entendu, des règles sanitaires en vigueur.

Comme en 2019 nous avons proposé à Artisans du Monde de se délocaliser au cœur même du centre-ville pour avoir plus de visibilité, en leur mettant à disposition un chalet devant la mairie pour avoir une boutique éphémère durant toute la Quinzaine.

Parallèlement à cela nous avons organisé différents espace-temps d’information, de sensibilisation et d’échange dans l’espace public avec les habitants, déclinés sous forme de stands, de dégustation de produits, de quizz, de bons d’achat chez Artisans du Monde à gagner….

Un goûter équitable avec les jeunes du Conseil Municipal des Enfants, prétexte à un temps d’échange et de sensibilisation, est systématiquement organisé lors des différentes éditions de nos Quinzaines du Commerce Equitable. Ce fut le cas encore cette année. Le « guarranito » remporte régulièrement la palme d’or chez les enfants.

Nous tendons également à renforcer le service développement durable de la ville qui depuis quelque année s’appelle d’ailleurs Service développement durable et équitable.

Nous avons récemment créé un poste afin de recruter un chargé de mission de commerce équitable. Cette nouvelle recrue a permis de mener toutes ces actions de sensibilisation au commerce équitable en direction de publics variés. Nous intervenons également au centre socio-culturel pour mener des actions auprès des enfants au travers de « goûter équitable ». Nous envisageons pour 2021 de collaborer avec le Réseau d’Animation Jeunes à l’échelle de la communauté de communes pour mettre en place un programme de sensibilisation et de formation des jeunes mais aussi des animateurs.

Nous nous étions largement mobilisés et impliqués dans l’organisation et la réception des Rencontres Nationales des Territoires de Commerce Équitable. Il s’agissait d’un moment fort pour la Ville de Saverne et nous souhaitions prouver que malgré nos 12 000 habitants, nous étions capables d’adopter des solutions et de mener des actions engagées et durables. D’ores et déjà nous postulons de nouveau à l’organisation des Rencontres Nationales des Territoires de Commerce Équitable l’année prochaine.

Qu’attendez-vous des politiques nationales ou européennes pour accompagner les territoires dans la transformation de notre modèle agricole et alimentaire ?

Nous attendons de la part de politiques tant nationales qu’européennes un soutien et un accompagnement aux initiatives qui émergent des territoires, qu’elles soient citoyennes, associatives ou qu’elles émanent collectivités. Je pense qu’il serait intéressant que les territoires puissent être soutenu et accompagné lorsqu’ils se mobilisent pour développer les filières courtes et l’agriculture biologique ou raisonnée. Nous attendons aussi un engagement de l’Europe et des états pour favoriser durablement le commerce équitable Nord-Nord.

La ville de Saverne a mené ces dernières années un certain nombre d’actions mais ces initiatives sont malheureusement déclinées à petite échelle avec le peu de moyens dont nous disposons. Contrairement à d’autres enjeux sociétaux qui eux sont, à juste titre, fortement soutenu, le commerce équitable est encore trop négligé bien qu’il soit indispensable si l’on souhaite transformer notre modèle agricole et alimentaire. La mobilisation doit se faire à toutes les échelles. Si chaque commune s’engageait cela pourrait amorcer une véritable dynamique et un réel changement.

Un véritable « coup de pouce » du gouvernement, qui serait de même ampleur que celui mis en place récemment pour le vélo, serait de nature à booster concrètement et durablement la transformation.